I. Introduction
I, 1.
Les dernières orientations prises par mon propre travail de recherche, dans la continuité de la grille de lecture que j’avais commencé à élaborer dans ma contribution à l’ouvrage collectif « Ovnis et Conscience », donnent une place prépondérante à la notion d’espace intérieur. Celle-ci doit se penser par opposition à celle d’espace extérieur que met en avant très logiquement le matérialisme scientifique, lequel s’appuie sur la notion d’un monde extérieur à la conscience, existant en soi et par soi, c’est-à-dire d’une réalité pensée comme objective.
I, 2.
L’idéalisme philosophique dans lequel je me place inverse les perspectives puisque le monde extérieur est considéré comme le fruit du travail de la conscience, son produit, sa représentation. Avec cette inversion, ce n’est plus l’extériorité (le monde extérieur à la conscience) qui devient le champ où se déploie la réalité. C’est la conscience qui devient le Réel, et l’espace intérieur qu’elle déploie lui est en grande partie voilé. En ce sens, le Réel véritable nous est masqué et réside dans ce que nous appelons l’Inconscient, vaste territoire qui demande à être exploré. La science matérialiste ne connaît, elle, que des phénomènes, c’est-à-dire les produits de la conscience.
I, 3.
La notion d’espace intérieur fournit ainsi le cadre théorique qui permet de retrouver, pour une large part, les concepts qui avaient été mis en place, au début des années 1970, par des chercheurs parfois regroupés sous le nom de « para-ufologie », comme Michel Granger, Jean-Jacques Jaillat, Eric Zurcher, Pierre Viéroudy, François Favre mais aussi par Bertrand Méheust, qui avait évoqué le thème d’une problématique « mythico-physique ». Les travaux remarquables de ces auteurs, qui avaient fait le lien entre la grammaire symbolique de nos rêves et les scènes décrites par les témoins de rencontres (sur toute leur gamme), ont été par la suite oubliés et considérés par certains, à tort, comme une approche psycho-réductionniste et purement psychanalytique ou psychosociologique. En pointant, chez l’individu, une mystérieuse « fonction psi » capable de matérialiser ses contenus de pensée, ces auteurs avaient déjà commencé à remettre en question la barrière que nous posons fort logiquement entre la matière et l’esprit, entre l’objet visé et sa représentation, entre notre intériorité et nos perceptions extérieures, dans la lignée des travaux de Carl Gustav Jung.
I. 4.
Flirtant avec la dimension métaphysique du problème, sans y entrer vraiment, ces auteurs avaient commencé à conceptualiser l’existence d’une dimension surhumaine ou « supra-humaine » de l’homme, dimension le dépassant et l’encadrant, comme l’atteste clairement le titre et le contenu de l’ouvrage de Pierre Viéroudy « Ces Ovnis qui annoncent le surhomme ». Ils n’avaient toutefois pas encore pu théoriser le lien avec le monde de l’Esprit et l’odyssée de l’âme que la thématique des expériences de mort imminente nous révèle, que Raymond Moody a su analyser et que Kenneth Ring, au début des années 1990, a su clairement relier à la problématique des OVNIS.
II. Une anthropologie fondée sur la tripartition des traditions anciennes :
II, 1.
Ma recherche s’articule autour d’une « anthropologie ternaire », c’est-à-dire d’une théorie sur l’homme qui nous révèle nos multiples dimensions et le lien de l’ego avec le Soi et avec l’âme-collective, l’âme-groupe, à laquelle je n’aurais moi-même jamais pensé si je n’avais pas écouté le témoignage des experiencers de NDE, qui évoquent cette dimension. Selon cette anthropologie, notre essence n’est pas toute entière réduite au moi individuel, loin de là. Nous sommes imbriqués dans des dimensions qui échappent au moi ordinaire et qui forment les différents étages de l’espace intérieur. Le Soi désigne, dans le prolongement des travaux de Carl Jung, notre entièreté psychique, dont une part nous est voilée car elle fait interface entre le moi psychologique (qui n’en est que la part incarnée dans l’espace et dans le temps) et l’âme collective où n’existe plus aucune séparation des ego.
Nous serions ainsi non pas « un » mais pluriels, multidimensionnels, même si le moi conscient ne perçoit que deux seules de ces dimensions, celles qui s’inscrivent dans l’espace et le temps, à savoir le moi corporel et le moi psychologique. Le moi psychologique ne perçoit pas les étages supérieurs de l’être total auquel il appartient. Cette absence de perception fait qu’il les désigne par des expressions négatives : inconscient individuel, inconscient collectif. Si l’on reconstitue maintenant l’ensemble des emboitements auxquels le moi conscient se rattache, en bas comme en haut, nous avons la représentation suivante :
- Âme collective (Esprit)
- Moi animique (Soi)
- Moi psychologique (Moi)
- Moi corporel (corps et fonctions cérébrales)
Les deux premiers niveaux sont « immanents » c’est-à-dire qu’ils se déploient dans l’espace et le temps et appartiennent au monde de la manifestation sensible. Espace et temps constituent leur « lieu propre », mais, nous allons le voir, une instance supérieure (le Soi ») peut faire changer de « lieu d’expérience et de conscience » l’ego et ce phénomène extraordinaire, obtenu sous état modifié de conscience, pourrait être appelé « délocalisation du moi ». Les deux niveaux suivants sont «transcendants» et, ils représentent pour le moi le « monde de l’invisible », le monde des réalités invisibles, hors espace-temps, auxquelles il ne peut accéder par ses seuls sens corporels.
II, 2.
L’expression « moi corporel » n’est en rien une analogie ou une métaphore. Il y a bien une « pensée du corps », c’est-à-dire une conduite propre du corps, indépendante de celle du moi psychologique. Il s’agit là (pour le moi psychologique) d’un autre inconscient que celui que représente le domaine de l’âme que l’on pourrait appeler « non-conscient » pour le distinguer du premier, comme l’a fait la psychanalyse.
Cette « pensée du corps » est, à bien des égards, paradoxale, car elle n’utilise pas de langage, pas de représentations, et elle se décrit en termes purement matériels. La neurologie en a bien décrit les modalités de fonctionnement quand elle nous parle des « décisions du cerveau » qui, dans l’interprétation de certaines illusions d’optiques vont tromper le moi. Ici le cerveau se comporte comme un agent autonome, distinct de la volonté consciente de l’ego, comme lorsque le cerveau interprète ou ajoute parfois de l’information à des séquences signifiantes manquantes (par exemple des chaines de caractères lacunaires dans un message écrit).
II, 3.
Le moi corporel est ce qui nous rattache le plus directement au comportement purement instinctuel de certains animaux, dont la conduite ne passe pas par la représentation d’objets, espèces chez qui on ne trouve pas de « moi psychologique », lequel suppose le passage par le stade du miroir (conscience réflexive). L’étude de la « pensée du corps » a été massivement investie par la neurologie pour décrire les phénomènes biochimiques inhérents à la pensée et à toutes ses fonctions cognitives, mais cette étude a induit celle-ci en erreur, car la neurologie a cru, à partir d’elle, pouvoir réduire le phénomène de la conscience à ses bases matérielles.
On connait la célèbre analogie : pour l’approche spiritualiste, la conscience est indépendante du cerveau, de la même manière que le signal est indépendant du poste de radio ou de télévision qui le capte. Le cerveau n’est qu’un « capteur », une « interface » pour la conscience, comme l’exprime fort bien le neurologue hollandais Pim van Lommel dans le cadre de ses analyses sur les NDE, et les capacités d’initiative ou d’interprétation de celui-ci ne doivent pas nous faire tomber dans une approche réductionniste de celle-là. Or c’est là l’erreur majeure que font les neurosciences actuellement.
II, 4.
L’anthropologie ternaire qui vient d’être décrite permet ainsi de poser trois étages ou trois axes d’analyse de la problématique OVNI :
– le niveau physique celui de la manifestation et de l’illusion perceptive.
– le niveau psychologique (celui des archétypes psychoculturels, la panoplie des masques dont se sert le Soi). Il s’agit là d’un véritable « monde intermédiaire », inscrit dans une circulation complexe et subtile avec les éléments culturels dans lesquels baignent le moi.
– le niveau spirituel qui renvoie au Soi, à l’âme collective et, à ce qui constitue dans le cadre idéaliste adopté, la seule et unique réalité : l’Esprit.
Dans ce cadre, tout ce qui nous apparait comme matérialité n’est que de l’information pour une conscience issue des intentions de l’âme collective. Ce que nous appelons matière est un « monde phénoménal » et se résout en définitive en paramètres mathématiques exactement comme les données sensorielles qui apparaissent sur un écran d’ordinateur. C’est l’Esprit qui produit la matière et non l’inverse comme le croit le matérialisme naïf.
II, 5.
La science contemporaine qui s’appuie sur un paradigme matérialiste n’a ainsi pas droit de cité dans cette problématique. Celle-ci requiert la référence à un savoir ancien, celui des traditions antiques qui n’avaient pas coupé le lien entre physique et métaphysique, entre monde visible et invisible, entre le sensible et l’intelligible. Certains courants actuels (comme celui de l’holographie quantique du physicien Almaceda par exemple) qui interprètent l’univers visible comme un gigantesque hologramme, retrouvent d’une certaine manière le lien entre le visible (la matière perçue) et l’invisible (l’information, l’intelligible). Mais comme ils ne rattachent pas cet univers-hologramme à la spontanéité créatrice de la conscience, leur position reste celle du matérialisme, un matérialisme un peu plus sophistiqué où l’information joue, dans leur théorisation, le même rôle que celui joué par la matière comme donnée objective, dans la physique matérialiste actuelle.
III. Les modes de manifestation du Soi
III, 1. Anabase et catabase
Toute la problématique OVNI serait, quant à son mode de manifestation, une question de « montée » et de « descente » entre les différents étages de notre « être total », et principalement entre moi et Soi. On pourrait aller jusqu’à dire que le passage de l’expérience du moi au niveau de conscience du Soi pourrait se comparer au changement de fréquence d’un poste de radio, comme lorsque l’on passe d’une fréquence à l’autre. Ce double mouvement de montée et de descente entre le moi et l’âme fut déjà nommé et théorisé par des traditions anciennes (orphisme, gnosticisme et il existe des concepts équivalents dans le chamanisme) : anabase et catabase.
a) la montée du moi vers l’imaginaire du Soi (délocalisation), donnant lieu à des observations d’OVNI et d’entités avec arrêt du temps et espace figé (effet Oz) correspondrait à ce que les mystiques antiques nommaient ANABASE.
b) la descente du Soi dans l’espace de perception du moi se nommait chez eux CATABASE. Ici, les OVNIS se matérialisent fugitivement sous l’effet d’un processus d’idéation issu du Soi ou de l’âme collective. Le processus en lui-même nous est voilé mais il ferait intervenir la dimension créatrice de l’âme et la puissance de son intentionnalité.
III, 2.
Le couple de concepts anabase/catabase se révèle ainsi très intéressant pour penser ce double mouvement montée/descente. Dans les deux cas, il s’agirait d’un processus qui s’apparente à une forme de « possession » intérieure où l’observateur est soumis à un état modifié de conscience (hypnose ou transe). Et dans les deux cas, montée et descente, les OVNI ne seraient pas des objets matériels (statiques, figés) mais des processus dynamiques de matérialisation, ce qui est différent. L’idée, proposée par le groupe des para-ufologues que j’ai mentionné en introduction, est ici très pertinente et correspond assez bien aux témoignages recueillis. C’est moins une substance figée qu’un processus fugitif de « matérialisation » transitoire, dynamique et éphémère ou intermittent que les témoins décrivent. Ce serait là la preuve de la difficulté pour l’Esprit de se matérialiser via le canal du Soi, mais cette extrême plasticité des formes démontreraient aussi en creux qu’ils sont tous entiers tributaires de la puissance de l’esprit.
III, 3.
Anabase et catabase, montée et descente, circulation entre Soi et moi au sein de l’espace intérieur, exige, corrélativement, que l’on pose qu’il existe deux modes de perception chez l’être humain.
1- La perception à l’aide de nos 5 sens. C’est une perception atrophiée, notre champ de conscience ne recevant qu’une quantité infime d’informations. Cette perception là est appelée en philosophie “perception phénoménale”, car elle porte sur le monde manifesté à nos sens (en grec “phainomenon” = ce qui se manifeste à notre conscience par l’entremise de nos sens).
2- La perception sans le support des sens et sans le filtre du cerveau. Une perception extra-neuronale. Celle-ci peut se définir comme une circulation de l’information directe (sans médiation) entre moi et Soi ou entre le moi et l’âme collective, comme si chacun deux était un poste informatique connecté en réseau (une sorte de “web cosmique spirituel”). On peut appeler cette perception-là “perception nouménale”, d’esprit à esprit, (en grec, le “nous” c’est l’intelligence spirituelle). Elle est sélective et c’est elle qui prédomine dans les visions mystiques et les apparitions mariales.
Les experiencers de NDE peuvent nous renseigner sur la perception nouménale, puisque c’est celle dont ils font l’expérience. De nombreux experiencers racontent que durant leur NDE, ils pouvaient “zoomer” le paysage qu’ils voyaient. Une femme (témoignage rapportée par Stéphane Allix dans Enquêtes extraordinaires) affirme ainsi qu’elle avait pu plonger son regard au plus profond d’une plante qu’elle percevait, jusqu’à voir l’écoulement de sa sève et qu’elle pouvait zoomer encore plus, à volonté. Or, on retrouve cette possibilité de zoom dans certains témoignages liés à des observations d’OVNI. C’est là, à mon avis, un argument de plus pour affirmer que les perceptions d’ovni et d’entités sont des perceptions nouménales, provenant du Soi ou de l’âme collective. Hallucinations objectives, formes-pensées matérialisées, perceptions nouménales, toutes ces expressions sont équivalentes. Le témoin est strictement comparable à un médium et sa vision est équivalente à celle d’un mystique, les formes en plus.
Le fait qu’un OVNI puisse laisser des traces au sol, être filmé ou photographié, repéré par un radar et influer sur l’environnement, ne change rien à cette argumentation car nous nous situons ici dans un contexte idéaliste. Le Soi peut matérialiser ce qu’il veut car la matière est une pensée condensée, densifiée. Mais ce n’est pas par ses sens corporels que le témoin observe. C’est uniquement par son esprit, exactement comme un experiencer de NDE après sa décorporation.
IV. Les archétypes et déguisements du Soi
IV, 1. Le Diable : une figure archétypale majeure
La suite de mes recherches a exploré les différents déguisements utilisés par le Soi pour se manifester aux yeux du moi. Or il apparait que la figure de l’extra-terrestre n’est pas la plus importante ni la plus ancienne. Il y a bien eu celle du « savant fou » sur sa drôle de machine volante (vagues du début du XXe siècle corrélée avec une mythologie qui prend sa source dans la SF naissante et les romans de Jules Verne). Mais la figure la plus importante est celle du Diable. Ce qui parait patent, en effet, c’est que si le masque le plus récent du phénomène OVNI est celui de l’extra-terrestre dans son vaisseau spatial, la logique générale de comportement de toute la problématique OVNI correspond bien mieux à l’imaginaire qui entoure traditionnellement celle du Diable: élusivité, tromperie, indifférence aux témoins, moquerie, prise de possession de leur esprit, phénomènes d’hypnose et de leurres, sortilèges etc. Même les lieux où se produisent le plus souvent ces possessions correspondent à ce que nous dit la littérature démonologique sur le Diable : des lieux déserts, des campagnes, la nuit.
IV, 2
Le thème de la « possession » s’ajuste parfaitement ici aux deux modes d’insertion (anabase et catabase) qui décrivent la circulation de l’information entre moi et Soi. Je dirais même qu’elle habille bien mieux ces deux modes d’insertion que ne le fait la symbolique extraterrestre:
1) Pour les RR3 avec effet OZ (arrêt apparent du temps, environnement déserté ou étrange, absence de bruit et de mouvement), le témoin semble comme envouté. Tout entier placé sous hypnose, son moi est “délocalisé”, et il est placé au niveau de la perception du Soi, où n’existe pas le temps tel que nous le connaissons. En fait, pour être plus précis, le sujet est tout entier placé dans l’imaginaire du Soi, qui produit ce qu’il veut, allant même jusqu’à reproduire en pensée un lieu habituellement connu du témoin, mais totalement figé. L’étrangeté ressentie vient du fait que le lieu est recréé par le Soi même s’il est apparait comme totalement matériel aux yeux du sujet leurré. Cela est dû au fait qu’au niveau de conscience du Soi, la distinction matière/esprit ne tient plus, n’a plus aucun sens: ce qui est pensé, imaginé se matérialise instantanément. Le soi est alors dans son « élément », dans son jardin, pour faire voir au sujet tout ce qu’il veut bien lui montrer, avec une surenchère parfois de scènes plus extraordinaires les unes que les autres, comme pour le célèbre cas d’Haravilliers.
2) Pour les RR3 sans effet Oz, comme nous l’avons vu, ce n’est plus le Soi qui tire dans son imaginaire le moi (en le délocalisant) mais plutôt le Soi qui descend au niveau de conscience du moi. Ce processus passe aussi par une possession, le témoin est mis sous état modifié de conscience (sous hypnose) et c’est là où l’on peut constater des matérialisations et des effets sur l’environnement physique. Au stade de mes recherches, il semblerait que le Soi utilise ici le mode de production habituel du monde phénoménal par l’Esprit. Je veux dire par là qu’ici serait confirmée l’idée que notre univers perçu est un vaste hologramme produit par les intentions de l’âme (ou de l’âme collective), comme indiqué précédemment. La perception ne serait vue que par le ou les témoins et elle apparaitrait pour eux comme une “réalité augmentée” uniquement pour lui. C’est aussi ce qui se passerait pour les apparitions mariales, qui offrent des perceptions toujours très sélectives. Mais toute matérialisation serait fugitive et malaisée, pour une raison que j’ignore.
V. L’imaginaire onirique de l’Esprit
V, 1.
Investir le champ de l’espace intérieur, comme nous venons de le faire, redonne ainsi au chamanisme comme pratique toute son importance. Le chamanisme est, en effet, un des “lieux de vérité” de toute la problématique qui nous intéresse, et je souscris totalement à cette idée selon laquelle avec lui nous sommes “aux racines de l’humain”. Avec le chamanisme nous comprenons que le nœud de crispation de toute la problématique OVNI concerne le rapport entre matière et esprit. Le matérialisme est ainsi une impasse et le socio-psychologisme aussi. Je pense que quand l’Esprit se matérialise, ces matérialisations fugitives font partie du camouflage, de la désinformation, de la parodie. La source veut nous faire croire au “tout technologique” et au « tout matériel » afin de nous empêcher de remonter à l’Esprit. Il y a bien matérialisation (fugitive et instable) mais celle-ci a pour but de « brouiller les pistes ». Quand l’Esprit matérialise des contenus, c’est là son plus puissant moyen de nous leurrer.
V, 2.
L’Esprit place le témoin dans ses rêves, lui fait jouer un rôle dans ses propres rêves. En revoyant récemment le film “Inception” (dont le scénario présente d’intéressantes similitudes avec le problème qui nous occupe), d’autres rapprochements sont apparus. Dans ce film, je le rappelle, des individus sont entrainés dans le rêve de l’un ou l’autre des protagonistes de l’histoire et y rencontrent ses propres projections inconscientes. Il y a de cela dans la problématique OVNI, à ceci près que, dans celle-ci, le témoin ne sait pas que ce sont ses propres projections qui se matérialisent sous la puissance créatrice de l’âme ou de l’âme collective. Mais le plus intéressant est ici : au milieu du film, un des personnages (joué par L. Di Caprio) raconte que dans ces rêves on peut rencontrer des scènes qui présentent des “figures géométriques impossibles”. Il cite l’exemple de l’escalier de Penrose (on peut penser aux œuvres d’Escher qui l’ont illustré), un escalier géométriquement absurde.
V, 3.
Or il se trouve qu’il y a des cas bien référencés et magistralement étudiés par Josiane et Jean d’Aigure (par exemple dans « La revue des soucoupes volantes n°5, septembre 1978) où des témoins de RR3 ont vu des “figures géométriques impossibles”. Géométrie impossible de l’engin décrit dans le cas d’A. Silva, géométrie impossible de l’engin décrit par AV Boas etc., où ce qui est décrit se présente comme de véritables cas de « quadratures du cercle ».
Ces perceptions de « géométrie impossible » sont à mon sens l’équivalent des comportements physiques impossibles des OVNIS si souvent constatés, ceux que Jacques Vallée avait appelé les « comportements anti-physiques des OVNIS ». Ces doubles impossibilités (figures géométriques, comportements physiques) seraient la preuve (une de plus) que, dans ces observations, nous sommes dans l’imaginaire du Soi. Dans cet imaginaire, dans cet “espace imaginaire”, tout peut se voir, tout peut arriver et se produire, car l’esprit peut tout, y compris matérialiser brièvement ses créations.
Ainsi, lors de ces expériences, la barrière qui sépare dans notre monde phénoménal le possible et l’impossible, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, tombe et n’a plus aucun sens. C’est l’imagination (celle de l’Esprit) qui devient maitresse des manifestations perçues par le moi. “Imagination” se dit en grec “fantasia”, et le sujet-témoin est, à son insu, tributaire des “fantaisies” et de la symbolique du Soi ou de l’âme collective.
Cette problématique fait tomber ainsi toutes les dichotomies, toutes les divisions qui nous servent à penser notre monde phénoménal, notre monde de la perception: possible/impossible, réel/imaginaire, matière/esprit, objectif/subjectif, intérieur/extérieur, etc. En ce sens il nous replace dans l’unité et c’est là que réside son côté « théoriquement » le plus subversif.
CONCLUSION: la problématique OVNI comme symptôme d’une maladie de l’âme
Quelle fonction accorder, dans ce contexte, à la fantasmagorie du Soi ou de l’âme collective ? Quel message le Soi cherche-t-il à faire passer au moi, en le leurrant ainsi ? Comme dans la relation du moi corporel au moi psychologique, beaucoup d’éléments laissent à penser que le Soi utilise l’énigme et la tromperie comme éléments symptomatiques. Toutes ces manifestations sont ou seraient les symptômes de l’oubli matérialiste de l’Esprit par une civilisation, la nôtre, uniquement tournée vers le mirage technologique. Ici, le lien pourrait être fait avec les apparitions mariales qui seraient comme l’antithèse de ces manifestations et de cette fantasmagorie. Oubliée, niée, l’âme se rappellerait à notre bon souvenir selon les mécanismes « en énigme » par lequel le refoulé s’exprime. Ce retour du refoulé nous rappellerait, en creux, notre dimension sacrée, celle-là même que nous avons rejetée au profit d’une vision désenchantée du réel, c’est-à-dire vidée de la Présence de l’Esprit.
Philippe Solal
A propos de l’auteur de l’article :
Philippe Solal est professeur agrégé de Philosophie, docteur en Philosophie et épistémologue. En 2008, il participe aux travaux du Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST). Il a enseigné la philosophie à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) à Toulouse jusqu’en 2014 avant de l’enseigner, aujourd’hui, en lycée à Bergerac.
Ses domaines d’enseignement sont expression-communication; psychologie sociale et Philosophie des sciences ses recherches actuelles sont : Préparation à l’Habilitation à diriger des recherches (HDR), en épistémologie et Philosophie des sciences. Domaine concerné : l’écriture des rationalités, l’évolution des formalismes et des procédures de codification du savoir scientifique.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages. Il est notamment l’un des co-auteurs du livre « Ovni et conscience« .
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